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Thierry Sanchez

Thierry Sanchez

Thierry SANCHEZ est le co-auteur de la Murder Party “La Doctrine Mac Beck”, qui a été jouée en décembre 2001 avec la participation de Tchernobyl Pictures. Thierry SANCHEZ a également hébergé d’autres Murder Parties, dont “Les Salauds se cachent pour mourir”. Il a accepté de répondre pour nous à quelques questions.

Murder2000 : Bonjour. Depuis combien de temps connaissez vous les Murder Parties ?

Thierry SANCHEZ : Je connais le principe des murder-parties depuis que je suis rôliste (grosso modo 15 ans). Mais je n’ai réellement participé à des murders que très tardivement.

Murder2000 : Quelle a été votre première Murder Party ?

T.S. : Ce fut “A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire” : une murder organisée par Tchernobyl Pictures. L’expérience fut très positive.

Murder2000 : Qu’est ce qui vous plait dans les murder parties ?

T.S. : Ce qui me plait, c’est l’ambiance théâtrale. L’impression de faire partie du roman policier justement…

Murder2000 : Pourquoi la Terre tourne-t-elle sur elle-même ?

T.S. : Pour t’éviter de tomber vers le plafond.

Murder2000 : Quelles sont les principales différences qui vous font préférer une Murder Party à un jeu de rôles ?

T.S. : Je ne préfère ni l’un ni l’autre. Les deux ont leurs avantage et leurs inconvénients propres.

Pour le Jeu de rôle : c’est tout de même bien plus facile d’organiser une partie qu’une murder ! Une poignée d’heure peut suffire, et pour les meneurs de jeu (MJ) doués pour l’impro, en quelques minutes “çà peut se faire”. Le jdr peut garantir la simulation et le dépaysement total : la limite étant l’imagination et le talent de conteur du MJ.

Pour la murder : Comme dit Matthieu la rareté fait le plaisir. Les organisateurs (équivalent du MJ en jdr) sont souvent mieux préparés, et les joueurs plus motivés pour tenir leur rôle. Quand on enchaine les parties de jeu de rôle toutes les semaines, on ne peut pas garder la même fraicheur de ton et d’interprêtation que dans une murder préparée de long mois à l’avance.

Disons que pour le pur roleplay, je préfère la murder. Pour la richesse et la profondeur possible des histoires et des mondes, je préfère le jdr.

M2k : Quand et pourquoi as tu écrit ton premier scénario de murder ? Étais-tu seul ? Pourquoi ?

T.S. : Houla, faut remonter loin et ce n’était pas de la murder pure. J’ai écrit mon premier scénario de grandeur-nature à l’époque du lycée. C’était du med-fan et comme nous étions très peu j’ai du tenir plusieurs rôles durant des temps très courts : et va-s’y que pendant 15 minutes tu es le “vieux sage de la montagne”, et que 30 minutes plus tard tu fais le “messager agonisant”, et que 5 minutes après tu fais le “vilain mercenaire”, et ensuite encore un peu du “vieux sage de la montagne”, pour finir à l’aube à faire le “Grand Méchant” (plus très frais, le “Grand Méchant”, à l’aube). Hors les joueurs, j’avais à mon services une “hordes de monstres” (4 personnes), qui montaient des embuscades aux preux aventuriers. Bilan, comme premier scénario de grandeur-nature c’était assez nul, mais on s’est vraiment bien marré. Non, le vrai 1er scénar de murder “authentique” c’était le scénar de la “Doctrine MacBeck”, co-écrit avec Matthieu. Donc “Quand” –> novembre-décembre 2001 (pour une murder prévue le 15 décembre !) et “Pourquoi” –> Arf, parcequ’on aime écrire. L’expérience des jeux de rôle motive pas mal également, on se dit que ce serait fun de voir vivre son scénario autrement qu’autour d’une table. Et puis pour ma part je suis un poil obsessionnel : quand j’ai une idée en tête, j’ai du mal à m’en défaire si je ne l’ai pas couchée sur papier.

Murder2000 : Quelles ont été les deux plus grosses difficultés à surmonter ?

T.S. : Si vous pratiquez les jeux de rôles, le boulot de création de scénario est d’autant plus facile. Mais attention, écrire un scénario de murder n’est pas exactement la même chose qu’en jdr. Il faut être plus dirigiste et prévoir beaucoup plus de possibilités, plus d’évènements “scriptés” pour poser l’ambiance, plus d’indices.

En jdr, l’impro est *beaucoup* plus facile et ne coûte rien. En murder, prévoir un indice dans son scénar ne suffit pas : il faut le fabriquer réellement. Pareil si vous changez significativement le background d’un personnage : cela veut dire modifier le dossier du personnage, mais aussi tous les dossiers des personnages qui connaissent ce dernier.

En fait le grand principe, c’est “NE JAMAIS FIXER DE DATE TANT QUE LA PARTIE PAPERASSE N’EST PAS INTÉGRALEMENT TERMINÉE”. Ce n’était pas notre cas. Et écrire des dossiers joueurs, taper des documents en catastrophe, ça peut prendre un temps bien plus important que l’on peut croire.

L’idéal, c’est écrire le scénario et les dossiers joueurs. PUIS fixer une date pour la murder. Dans l’intervalle, vous aurez tout le temps nécessaire pour faire le bricolage, les costumes, assurer la logistique (location hébergement, achat provisions, création du plan de route, etc).

Dans le cas de la “La Doctrine Mac Beck”, tout a été fait dans l’urgence. Donc, je me répète pour les organisateurs en herbe : ne fixez pas de date tant que tous les détails du scénario ne sont pas couchés sur papier : scénario définitivement arrêté, tous les indices nécessaires listés, et tous les dossiers joueurs bouclés.

Sur le moment on stressait comme des brutes, et largement plus que pour des examens ou des partiels. Paradoxalement ça me reste comme un bon souvenir (rires). Probablement parcequ’il y avait une frénésie créatrice dans l’air : les idées partaient dans tous les sens, on prenait des décisisons très vite, on voyait déjà comment çà allait être joué : très intense mais très gratifiant.

Le piège c’est de croire que les indices et le matériel seront vite faits. Faire toutes les photocopies, écrire tel ou tel indice, ça peut prendre beaucoup de temps. Si votre scénario prévoit que le “journal-secret-annoté-du-grand-méchant” sera trouvé par les joueurs, mettez-vous bien dans le crâne qu’il va falloir le créer ce journal secret. Avec Matt’, on a pondu des accessoires de jeu en catastrophe, notre “journal-secret-annoté-du-grand-méchant” était … (rire) … disons qu’on voyait qu’il avait été vite fait.

Murder2000 : L’effort a-t-il été récompensé ?

T.S. : OUI ! C’est clair que c’est jubilatoire de voir son scénario “vivre” avec des personnages en chair et en os. Ce doit être un peu le même plaisir que doit ressentir un metteur en scène ou un réalisateur de cinéma.

M2k : Qu’est ce qui est le plus important dans une Murder Party ? Pourquoi ?

T.S. : Se faire plaisir et faire plaisir au joueur. Essayer de se mettre à leur place et leur donner un défi équilibré. C’est d’autant plus complexe quand on a affaire à des joueurs “vétérans” qui ont déjà joué 3 ou 4 murders. Il faut alors, en plus, les surprendre, casser des habitudes.

La murder que nous avons organisée n’était pas parfaite, trés loin de là (NDLR : qui a déjà écrit/joué une murder parfaite ?) mais nous avons essayé de procurer des sensations de jeu différentes des murders classiques (morts différentes, ambiance spéciale) et je crois que la-dessus, nous avons réussi.

Murder2000 : Sur quel point les nouveaux joueurs ont-ils le plus de difficultés ?

T.S. : Ce qui fait tout le charme d’une murder c’est que les joueurs tiennent assez bien leur rôle, font des efforts pour rentrer dans leur personnage. Tout le monde participe à l’ambiance.

Le problème des joueurs blasés ou “vétérans” est qu’ils oublient cet aspect-là et se concentrent sur l’objectif et c’est tout. Ce genre de comportement “compétitif” est adapté aux rallyes et aux chasses au trésor, mais dénature le principe de la murder-party.

Murder2000 : À quoi pourrait ressembler la murder idéale ?

T.S. : Rêvons un peu… Avec quelques millions de dollars, la murder idéale ce serait celle du film “The Game” de David Fincher. C’est-à-dire : des surprises régulières + une ambiance 100% crédible + des joueurs motivés. Par contre pas forcément besoin d’un scénario très complexe genre Agatha Christie ou Conan Doyle, à partir du moment où il est bien cohérent de bout en bout.

Une murder, c’est une auberge espagnole : on en retire ce qu’on y met. Si vous venez motivé et prêt à jour le jeu, le plaisir sera général. Deux organisateurs et un nombre X d’organisateurs “sous-marins” ne suffiront pas si les joueurs ne participent pas. Il faut rentrer dans l’histoire et y croire, et vous en retirerez un dépaysement peu banal.

Murder2000 : Quels seraient les conseils donner à un futur organisateur ?

T.S. : Ne pas faire des scénarios trop compliqués : les joueurs ont une tendance naturelle à compliquer d’eux même les scénarios avec leurs théories fumeuses. Prévoir au moins deux manières différentes d’obtenir une même information. Dans “l’idéal” : une manière passerait par l’interaction avec les autres joueurs, une autre manière passerait par une interaction avec l’environnement de jeu (énigme / indice caché / etc.). Donner des buts individuels à chaque joueurs. Tout est possible, dans la “Doctrine MacBeck”, certains joueurs devaient déclamer une déclaration d’amour avant une certaine heure, d’autres devaient se nuire mutuellement, un autre devait voler de l’argent, etc… La variété des buts permet d’éviter à l’action de piétiner et ainsi tout le monde a toujours quelque chose à faire. Bien sur il ne faut pas non plus abuser et lancer les joueurs dans des directions tellement divergentes qu’ils vont négliger l’intrigue principale. Délicate histoire de dosage. En contradiction apparente avec ce que je viens d’énoncer : laisser des espaces de temps libres pour que les joueurs puissent se poser et gamberger. L’un des défauts du scénar MacBeck est qu’il comportait un nombre très important d’évènements “scriptés”, l’emploi du temps des joueurs dans la soirée était surchargé, et ils avaient finalement assez peu de temps pour se poser et réfléchir. Encore une histoire de dosage. Pensez aux futurs morts et essayez de leur trouver des rôles de remplacement réellement intéressants avec un vraie valeur ajoutée (info supplémentaire, buts personnels).

On pourrait continuer comme çà sur des pages et des pages, mais je crois que là il y a déjà de quoi réfléchir… Ah si un dernier conseil : pas de meurtre avant le repas. Sinon vous n’aurez jamais personne à table en même temps, tous vos joueurs seront déjà partis fouiller partout, vadrouiller, etc. Lancez les choses sérieuses après le café, ça aide.

Murder2000 : Pourquoi les orgas ne font-ils jamais assez de photos ? (ou : pourquoi faut-il toujours un journaliste parmi les persos)

T.S. : Je trouve que du point de vue des joueurs, c’est bien de partir de la soirée avec un souvenir des évènements. Alors un perso journaliste, c’est un cliché mais ça permet de se faire plaisir.

Maintenant dans une murder à l’ambiance “dense” et avec un scénario qui exclut la possibilité d’un perso photographe ou vidéaste… c’est plus dur.
Je crois que l’idéal, c’est encore d’avoir un orga déclaré comme tel, qui ne fait que ça et qui se confonde dans le décor sans interrompre l’action. Mais bon, c’est pas forcément évident d’avoir un volontaire pour “tenir la chandelle” (si vous connaissez quelqu’un comme çà je suis preneur)… (NDLR : bin oui, je l’ai fait pour la Murder “Sains de Corps et d’Esprit” d’ARL, et j’en ai un excellent souvenir…)

Murder2000 : Que pensez vous de l’initiative de MURDER2000 de rassembler en un seul lieu le plus grand nombre de scénarios pour tous types de joueurs ?

T.S. : C’est vraiment nul à chier comme concept. C’est vrai quoi : proposer plein de scénarios gratuitement dans un site web joli tout plein, bourré de bonnes informations, non mais franchement… C’est quoi ce bordel #¤%£@#.

Murder2000 : Racontez-nous une anecdote, un évènement lors d’une Murder Party ?

T.S. : Lors de la “Doctrine MacBeck”, peu avant le repas, deux joueurs manquent à l’appel. On les appelle, pas de réponse. Fouille intègrale de la maison, inspection des voitures (aucune ne manque) sortie dehors en pleine cambrousse, l’hiver : obscurité totale, terrain en pente… en tant qu’orga j’imaginais déjà mes deux gars s’être cassé la jambe dans une mauvaise chute, loin de la maison.

On les a cherché pendant *4 heures*, à la fin je croyais vraiment que cette murder ferait partie de la page fait-divers dans le journal le lendemain, avec le retour des bons vieux ragots anti-rôlistes. Et puis voila mes deux joueurs qui reviennent, jouant leur personnage comme si de rien n’était. Après un apparté avec tirage d’oreille, ces messieurs m’expliquent qu’ils s’étaient *enfermé dans un placard* pendant tout ce temps afin d’éplucher un indice majeur du scénario qu’ils avaient trouvé (le journal de bord du Grand Méchant).

Et le pire (ou le meilleur, c’est selon) : ces messieurs ne s’étaient même pas ennuyés. Ils étaient dans leur trip. Faisant un minimum de bruit quand nous étions passés 20 fois devant ce placard en les cherchant partout… Les joueurs de murder sont vraiment des êtres spéciaux.

Murder2000 : Êtes-vous plus souvent scénariste, joueur ou organisateur ?

T.S. : Plus souvent scénariste pour les jeux de rôles. Plus souvent joueur dans les murders. C’est moins une question de gout, que de temps.
Dans l’absolu ne faire que du scénario et de l’organisation me botterait plus.

Quand je suis joueur, j’ai “mauvais esprit”, il faut toujours que dans un coin de ma tête, je me dise que je ferais les choses de telle ou telle manière si j’étais orga (mieux bien sur). Alors autant faire l’orga. Même si étant un fainéant patenté, je maudis obligatoirement mon commanditaire.

Murder2000 : Thierry, merci.