Récompensé du Prix Cognac en 1987, puis du Prix du Roman d’aventures l’année suivante, Paul HALTER est l’auteur contemporain qui excelle dans les romans d’énigmes policières et de crimes impossibles. Digne successeur dans nos cœurs de J-D Carr, il a suivi l’invitation de Léonard de Vinci qui disait : “L’élève qui ne dépasse pas le maître est un élève médiocre”… Depuis, une trentaine de crimes au Masque. Aujourd’hui, Paul HALTER nous fait l’honneur de répondre à quelques questions. Ses passions ? Il y en a beaucoup : l’Histoire, les voyages, la musique, et bien sûr tout ce qui touche au mystère. Il lui arrive même d’oublier le crime, mais il y revient toujours. Ce doit être une seconde nature…
Murder2000 : Bonjour. A la lecture de vos romans, on sent que vous êtes un passionné. Comment vous est venue cette passion pour l’enquête ?
Paul Halter : Difficile à dire, car d’aussi loin qu’il me souvienne, j’ai toujours adoré les mystères, les crimes étranges, etc. Toutes mes lectures romanesques relèvent de cet univers. Cette passion est tellement ancrée en moi que je ne me pose même plus de question.
Murder2000 : D’où vous vient l’inspiration des crimes que vous décrivez ?
Paul Halter : Rarement des faits divers contemporains (encore qu’il y ait quelques exceptions). Mais les situations insolites, les coïncidences troublantes, les atmosphères lourdes, les faits bizarres qu’on se raconte au coin du feu (oui, les bonnes vieille histoires de fantôme, même si ça fait terriblement démodé! ), c’est cela qui me stimule, embrase mon imagination.
Murder2000 : On dit qu’artistes et écrivains tentent de créer un chef d’œuvre pour surpasser leur maître. Quel est votre maître ?
Paul Halter : S’il faut citer un nom, ce sera John Dickson Carr, bien entendu. Je lui dois beaucoup. Le plaisir de la lecture pour commencer, et bien sûr sa virtuosité sans égale pour développer et résoudre un problème en lieu clos. Il est mondialement connu pour cette spécialité. Mais on oublie souvent une autre facette de son talent : son sens de l’atmosphère et de l’insolite. La conjugaison de ces différentes qualités en font pour moi un auteur unique, un phare dans la littérature policière.
Murder2000 : Vous décrivez dans « La lettre qui tue » une aventure liée étroitement à une murder party. Depuis quand connaissez vous les murder parties ?
Paul Halter : Depuis longtemps. Je crois que la première fois que j’en ai entendu parler, c’était dans un roman d’Agatha Christie. Je devais avoir 12 ou 13 ans. Cette découverte a dû me réjouir, car j’adorais déjà cette association de « jeu » et de « mort », qui est l’essence même du roman policier classique.
Murder2000 : Avez-vous déjà joué dans une Murder Party, une soirée enquête ?
Paul Halter : Oui, à plusieurs reprises. De fait, j’ai plutôt été sollicité en tant qu’organisateur. Il faut distinguer deux types de jeu. Le premier, avec des néophytes occasionnels, qui relève surtout du jeu de pistes. Le tout peut être égayé par quelques acteurs, pour les scènes fortes. Facile à préparer, et assez agréable en somme. Le second se rapproche plus du jeu de rôles. Plus difficile à organiser. Les participants doivent être des acteurs à part entière, suivre à la lettre le rôle qui leur est assigné. Je n’ai malheureusement guère d’expérience dans ce domaine. Il y encore d’autres variantes, comme les semaines à thèmes organisées par le Club Med, au cours desquelles les GM mènent l’enquête sept jours d’affilée. On m’avait chargé d’en concocter les scénario, mais là aussi, mon rôle est resté purement théorique, hélas !
Murder2000 : Au sujet des Murder Parties orientées “jeu de rôle”, vous déclarez “je n’ai malheureusement guère d’expérience dans ce domaine”; on sent presque une sorte de regret dans cette phrase. Seriez vous simplement curieux ou un peu plus tenté pour vivre cette expérience à quelques reprises ?
Paul Halter : A une certaine époque, j’aurais été heureux de participer à une véritable Murder Party, en somme vivre une enquête criminelle, être soumis à un défi intellectuel tout en ressentant la dangereuse proximité d’un assassin inconnu. Aujourd’hui, je vis ces instants magiques en écrivant mes intrigues. C’est très particulier, et je crois que seuls les auteurs peuvent comprendre ce que cela signifie. C’est d’une part une véritable immersion dans la fiction, qui plus est dans un domaine choisi par soi-même, c’ est-à-dire le meilleur qui soit. Le seul inconvénient est qu’on connaisse le fin mot de l’histoire. Mais cette frustration est palliée par le plaisir de jouer avec le lecteur, de le mener en bateau (du moins d’essayer !) et nous retombons là dans cette notion de jeu, propre à la Murder Party. La boucle est bouclée. J’ai souligné plus haut, je crois, l’étroit parentage qui l’unit au roman policier.
Murder2000 : La construction littéraire et le jeu du personnage sont essentiels pour la réussite d’une bonne intrigue Quels seraient vos conseils pour « construire » un bon roman d’enquête, et donc un bon scénario de murder party ?
Paul Halter : J’ai peur qu’il n’y ait pas de recette miracle. Il me semble indispensable d’avoir de solides connaissances dans le domaine policier. Cela dit, il faut surtout savoir s’adapter au cadre, aux contraintes matérielles et humaines. Bien déterminer le type de participants, leur disponibilité, leur motivation et leurs attentes. Ce n’est que sur ces bases qu’on peut commencer à élaborer sa trame. Ensuite, il ne reste plus qu’à invoquer cette petite fée qu’on appelle l’imagination.
Murder2000 : Bien entendu, mais il y a certainement diverses méthodes ou techniques pour créer une ambiance lourde et suspicieuse ? Vous même, avez vous une habitude quand vous écrivez vos romans ?
Paul Halter : La technique, si technique il y a, relève surtout de l’écriture. Mais je crois que cela se fait de manière inconsciente, du moins en ce qui me concerne. On décrit une scène sans vraiment y réfléchir, ajoutant chaque détail au gré de son inspiration. Je pense que l’atmosphère vient essentiellement de l’idée de départ, de la situation choisie. Si ces éléments sont bons, le reste vient tout seul. Sinon, c’est laborieux, et le développement de l’intrigue en pâtit. Pour ma part, je fais presque toujours appel à des thèmes qui me sont chers, l’insolite, les malédictions, les vieilles légendes, les lieux maudits, l’influence du passé, etc. C’est peut-être cela qui donne l’impression d’une touche ou d’une méthode particulière.
Murder2000 : De façon inverse, quelles sont les erreurs à ne pas commettre ?
Paul Halter : Ne pas écrire un roman en suivant les préceptes d’un manuel « Ecrire un roman en dix leçons ». Ne pas suivre la mode, écrire ce qu’on a envie d’écrire, rien d’autre, et bien entendu, fuir comme la peste l’espèce de politiquement correct qui n’épargne aujourd’hui aucune forme d’art.
Murder2000 : La reconstitution de la scène du crime est un élément important pour mettre les joueurs dans l’ambiance d’une Murder Party. Quand vous écrivez un livre, essayez vous de recréer les mouvements de vos personnages, leurs déplacements, ou ne faites-vous appel qu’à votre imagination ?
Paul Halter : Comme je disais avant, on vit ce qu’on écrit. Cela ne nécessite pas de manœuvre particulière. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’expérimenter quelque chose d’inédit, vérifier son bon fonctionnement, je n’hésite pas à mettre en pratique.
Murder2000 : En tant que joueur ou en tant qu’organisateur, à quoi pourrait ressembler selon vous la Murder Party idéale ?
Paul Halter : Je réponds sans hésiter, et au risque de ne pas paraître très original : l’île isolée et inaccessible, comme dans « Les Dix petits nègres ». On ne peux rêver meilleur cadre pour une Murder Party !
Murder2000 : Préférez vous la colle en tube ou en bâton ?
Paul Halter : Celle qui convient le mieux à la mise en boîte…
Murder2000 : Paul Halter est-il un nom d’auteur ou votre vrai nom ?
Paul Halter : C’est mon vrai nom. Je n’ai pas songé à emprunter un pseudonyme en écrivant mon premier roman, mais je le regrette à présent. Réflexion faite, il y a quelque chose d’anglo-saxon dans mon patronyme, qui signifie d’ailleurs « corde de pendaison » en anglais. Une sorte d’instrument de la justice, voilà ce que je suis…
Murder2000 : Quel est le sujet de votre prochain roman ?
Paul Halter : La divination. Un inconnu s’installe dans un paisible village anglais, et grâce à son pendule, il découvre aussitôt les cadavres cachés et les objets volés. Cela dérange, d’autant qu’il voit également l’avenir, notamment les événements dramatiques. Il faudra faire appel au Dr Twist et aux « Larmes de Sibyl » (titre du roman) pour venir à bout de l’énigme.
Murder2000 : Au sujet des “Larmes de Sibyl” : y trouverons nous un crime en chambre close ?
Paul Halter : Non, désolé : pas de chambre close. Mais de très singuliers problèmes de divination… Il sortira au Masque, prévue pour le premier trimestre, mais je n’ai pas encore de date précise.
Murder2000 : Comment vous est venue l’idée de cette nouvelle histoire ?
Paul Halter : Un fait divers, recensé dans un florilège de cas étranges. Je n’ai plus les détails en tête, mais j’ai fait de sorte que la fiction dépasse la réalité…
Murder2000 : Allez… un indice sur l’assassin ?
Paul Halter : Pas de surprise, c’est comme d’habitude la personne la plus insoupçonnable ! Les experts sauront qu’il s’agit souvent de la personne la plus suspecte…
Murder2000 : Parlez nous un peu des meurtres en chambre close : est-ce un simple “sport intellectuel” ou une véritable prouesse littéraire ?
Paul Halter : Vraiment, je ne sais pas. Peut-être un défi personnel. Du moins au début. Aujourd’hui, j’ai peur de m’être un peu “enfermé” dans cette spécialité. Dès que je fais un écart, si minime soit-il, les lecteurs me rappellent à l’ordre, en me félicitant certes pour l’originalité, mais sans oublier de présicer qu’il préfèrent le brouillard londonien et les chambres closes….
Murder2000 : Leur transposition en Murder Party vous semblerait-elle crédible ou même faisable ?
Paul Halter : Oui, tout est possible. On pourrait poser de tels problèmes de manière intellectuelle, c’est-à-dire sur papier, ce qui constituerait une étape dans le jeu de pistes. Ou bien inclure un problème de ce type dans un véritable jeu de rôles. Pratiquement, je n’y pas le moindre obstacle. Il suffirait d’adapter le scénario en conséquence. De toute manière, dans tout mystère qui se respecte, il doit y avoir un mystère, un fait extraordinaire, une impossibilité qui relève du miracle. Je ne vous surprendrai pas en vous disant que pour moi, la quintessence du genre, est sans conteste la chambre close…
Murder2000 : Paul Halter, merci.