Alain PERROT est le président d’ABCrime, qui offre aux professionnels des prestations de team building par le biais de soirées enquête. Amateur et passionné, Alain PERROT a accepté de répondre à nos questions.
Murder2000 : Bonjour. Vous êtes connu comme un “ancien” des Murder Parties. Comment vous définiriez vous ?
Alain PERROT : Avant tout comme un passionné de jeux de société qui minimisent le hasard, ou qui font travailler les neurones, ce qui revient au même : Echecs, Bridge, Othello, Diplomacy… La Murder Party fait partie de cette catégorie, selon moi, avec un sentiment de “vrai” en plus. C’est pourquoi j’en ai fait ma spécialité.
Murder2000 : Comment en êtes vous venu aux Murder Parties ?
A.P. : Comme pas mal de gens, je crois : j’ai un jour -il y a bien longtemps- essayé les Murder Parties “en boîtes” des éditions Schmidt (meurtre sur le Zeppelin, la dernière chance,….) Après les avoir toutes épuisées, et véritablement passioné par le concept, avec un groupe de fans, on a commencé à écrire des scénarios pour nous mêmes. Les autres ont arrêté, moi je continue, plus passionné que jamais.
Murder2000 : Êtes-vous plus souvent scénariste, organisateur, ou joueur ?
A.P. : Je suis le plus souvent scénariste et organisateur, mais si tu m’invites dans une de tes Murder Parties je viendrais bien volontiers comme joueur! (NDLR : avec plaisir !)
Murder2000 : À propos de joueur, comment définiriez vous le joueur idéal ?
A.P. : Tout dépend bien sûr si le joueur est l’assassin ou un enquêteur. S’il est l’assassin, il doit avant tout avoir les nerfs solides, garder son sang froid en toute circonstance, et avoir de la répartie face à une question qui tue. Pour un enquêteur, le joueur idéal doit avant tout être dans son personnage (par opposition au joueur qui met la priorité absolue à la résolution de l’enquête, donc qui “déballe” tout tout de suite, ce qui casse évidemment l’ambiance). Après, le joueur idéal joue avant tout l’esprit d’équipe (écoute des autres, méthodique, les faits rien que les faits, etc….). Last but not least, l’humour et la bonne humeur doivent impérativement règner, sinon… cf mon anecdote ci-dessous.
Murder2000 : Pour vous, qui avez organisé de nombreuses murders, quel élément est essentiel pour la réussite de la soirée ?
A.P. : Pour reprendre la célèbre formule d’Hitchcock [un bon film c’est : 1°) un bon scénario, 2°) un bon scénario 3°) un bon scénario], et bien une bonne Murder Party c’est 1°) une bonne intrigue 2°) un bonne intrigue 3°) une bonne intrigue.
Murder2000 : Racontez nous une anecdote, un événement lors d’une de vos soirées ?
A.P. : Pendant une Murder Party où l’ambiance était assez tendue (cf mon commentaire sur la bonne humeur : plus haut) un des enquêteurs était assez “à la ramasse” pour suivre l’enquête. L’un des participants, tout en restant dans son personnage, lui dit alors : “mais vous êtes un véritable crétin, Mr X”. Du tac au tac, l’autre lui répondit : “et vous, vous commencez à me faire chier avec vos questions !!!”. Là , il était sorti de son personnage, l’ambiance est devenue assez glacée par la suite. Moralité, l’animateur doit surveiller comment le ton monte, car il peut y avoir des dérapages, d’où la nécessité de garder une bonne dose d’humour pendant la murder.
Murder2000 : Qu’est ce qui vous plait dans les Murder Parties ?
A.P. : C’est comme dans le cochon : “tout est bon”. Sérieusement, la Murder Party est un petit concentré de comédie humaine : le meurtre n’est finalement que le dernier piment que l’on rajoute pour épicer le tout. Une Murder Party, on ne le répète jamais assez souvent, c’est avant tout un travail en équipe, et c’est bien là de mon point de vue le premier plaisir d’une Murder Party : le travail en équipe, à la différence de taille par rapport à n’importe quel jeu classique, on ne sait pas qui est avec qui, ce qui donne ce parfum vénitien (ou bysantin selon les goûts) inimitable à la Murder Party. Le reste coule de source : il y a un but, trouver le meurtrier, une première appréhension typique d’une équipe qui se cherche (à qui dois-je faire confiance ?), une avalanche de données, où il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie, pour devoir finalement prendre une décision en groupe la plus consensuelle possible (remember les 12 hommes). Last but not least, ce sont les joueurs qui font l’histoire (même si le scénario est bétonné), la part d’imprévu est donc la touche finale qui donne tout son charme à une murder !
Murder2000 : Pourquoi la Terre tourne-t-elle sur elle-même ?
A.P. : ???? Euh…pour qu’il y ait une heure du crime partout dans le monde ?
Murder2000 : Quelles ont été les deux plus grosses difficultés à surmonter lors de l’écriture de scénarios ?
A.P. : À titre personnel, tant que je n’ai pas trouvé le coeur de l’intrigue, je patauge ; il m’arrive donc d’attendre des semaines avant d’écrire la moindre ligne, ce qui est très frustrant car on a l’impression d’être bloqué. En réalité, le sujet “incube”, et jaillit soudain…évident ! La deuxième difficulté est l’écriture des personnages secondaires. Une fois que l’on a écrit les rôles du meurtrier et des protagonistes, il est difficile de sortir quelque chose d’étoffé pour les personnages secondaires. C’est pourtant je pense un élément essentiel dans un bon scénario.
Murder2000 : Qu’est ce qui est le plus important dans une Murder Party ? Pourquoi ?
A.P. : La rigueur de l’intrigue sans aucun doute : la clef de l’énigme doit être suffisamment carrée pour ne pas prêter le flanc aux critiques du genre “c’est vaseux comme solution”, et suffisamment atteignable pour que les joueurs qui n’auraient pas trouvé la solution, de dépit, ne jettent pas le scénariste dans la mare aux canards. (NDLR : ce serait un final original pour une murder…)
Murder2000 : Sur quel point les nouveaux joueurs ont-ils le plus de difficultés ?
A.P. : Je ne crois pas qu’il y ait un joueur débutant type : j’ai vu des groupes de débutants travailler en équipe de façon fantastique et trouver l’intégralité de l’énigme bien mieux que des joueurs réputés expérimentés. Débutant ou non, la première qualité qui fait le succès d’un groupe, c’est l’écoute. Les expérimentés ont la faiblesse de croire qu’ils savent, et donc ont tendance à chercher à imposer leur point de vue, alors que les débutants ont la tendance naturelle à se rapprocher des autres. Le seul conseil que je donne aux débutants est donc : Allez-y ! Plongez dans dans l’histoire, sans retenue !
Murder2000 : À quoi pourrait ressembler la murder idéale ?
A.P. : Probablement à la nouvelle “la lettre volée” d’Edgar Poe. Les enquêteurs s’échinent à retrouver la fameuse lettre en cherchant les solutions les plus tordues, et finissent par désespérer pensant qu’ils cherchent une aiguille dans une botte de foin. Le héros, Dupin, finit par trouver la fameuse lettre posée bien en évidence sur le bureau du suspect. Dans la murder idéale, selon moi, les joueurs doivent faire de même en se perdant dans les méandres de l’intrigue, jusqu’à ce qu’à 23h59, l’un d’eux montre du doigt un indice connu dès le départ, et qui démasque l’assassin. Bon sang…mais c’est bien sûr !!!
Murder2000 : Quels seraient les conseils à donner à un futur organisateur ?
A.P. : Qu’il lise attentivement la poétique d’Aristote, en particulier le tome 2 qui traite de la comédie…
Murder2000 : Pourquoi les orgas ne font-ils jamais assez de photos ?
A.P. : En ce qui concerne ABCrime, je peux simplement dire que deux de nos membres les plus actifs ne souhaitent pas être reconnus. Le premier Jacques C, c’est ainsi qu’il se fait appeler, est en effet un politicien connu, et il demande systématiquement un rôle de voleur. Le second Nicolas S, c’est ainsi qu’il se fait appeler, également un policier connu demande plutôt des rôles de gendarme. Une fois seulement Nicolas S a joué le rôle de l’assassin et a poignardé Jacques C dans le dos. Mais Jacques C n’a pas du tout apprécié le scénario…
Murder2000 : Alain, merci.